Qu'est-ce qu'être pauvre ?
Cette question est bien plus complexe que la considération du seul niveau de revenus. Pour mieux l’appréhender, l’Université d’Oxford et l’association ATD Quart Monde ont lancé en 2017 un projet de recherche dans six pays du monde, sur la multidimensionnalité de la pauvreté.
En France, le travail a donné lieu à la rédaction du rapport Comprendre les dimensions de la pauvreté en croisant les savoirs, remis en octobre 2019 à Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire. Il sera également mis en avant lors d’un colloque sur les inégalités prévu au printemps 2020 à Rennes.
L’objectif est de produire de meilleurs indicateurs de pauvreté. L’économiste Michel Renault, maître de conférences à l’Université de Rennes 1, explique :
L’enjeu est d’essayer de faire en sorte que les politiques, en matière de pauvreté, soient infléchies de façon positive, car aujourd’hui on ne traite pas toutes les dimensions de la pauvreté.
Michel Renault co-encadre le travail de thèse de Gerardo Gil, doctorant au CREM . Celui-ci a contribué au rapport et au travail de recherche participative avec ATD Quart Monde.
La méthode
Ce travail est basé sur une méthode de croisement des savoirs utilisée par l’association. Au sein d’une même équipe de recherche étaient associées 4 personnes en situation de pauvreté, 4 professionnels en rapport avec les personnes en situation de pauvreté (institutionnels, entreprises d’insertion…) et 4 chercheurs, dont Gerardo Gil.
Les personnes en situation de pauvreté ont leur rôle à jouer dans la production de connaissances ; elles en sont pourtant le plus souvent exclues. Et les experts se privent des connaissances issues de l’expérience.
L’équipe de recherche a travaillé pendant 3 ans, avec 22 groupes de personne dans 11 villes de France. Des ateliers ont été proposés, pour identifier ce qu’est la pauvreté, du point de vue des individus et de l’expérience vécue.
Toute l’équipe de recherche a collaboré depuis 2017 jusqu’à l’écriture du rapport. Il a fallu à chaque étape s’assurer qu’on avait tous la même compréhension des choses, choisir ensemble les mots utilisés, les schémas…
Conclusions et perspectives
Le rapport a permis de dégager 8 dimensions de la pauvreté, mais aussi leurs interrelations.
On peut noter deux éléments jusqu’ici peu mis en avant et qui sont ressortis de ce travail :
- la maltraitance institutionnelle, lorsque les institutions sont vécues comme un poids au lieu d’être une aide.
- le développement de compétences issues de l’expérience de la pauvreté et non reconnues, comme la résilience, la débrouillardise, les compétences de récupération, de réparation, etc. Comme en témoigne une participante d’un atelier :
« Nous les pauvres, on fait du développement durable ».
Pour Gerardo Gil, le travail se poursuit pour avoir une réflexion sur le dispositif de recherche participative, une démarche originale en sciences économiques. Il étudie ce mode de construction collectif des savoirs. Il soutiendra sa thèse de l’Université de Rennes 1 en fin d’année 2020.
[Article rédigé avec la contribution d'Alice Vettoretti - Plume & Sciences]